Valider ton idée de business en Suisse sans créer de Sàrl
Tu as une idée de produit ou de service qui te trotte dans la tête depuis des mois. Tu y penses sous la douche, en marchant, avant de t’endormir. Tu sais que ça pourrait marcher.
Et puis tu regardes ce qu’il faut pour lancer : 20’000 CHF de capital pour une Sàrl, des frais de notaire, des statuts à rédiger, un compte bancaire à ouvrir… Tu te dis que t’as pas les moyens de te planter.
Alors tu fais quoi ? Tu prépares. Tu peaufines. Tu construis dans ton coin pendant des semaines. Tu veux que tout soit parfait avant de montrer quoi que ce soit au monde.
Je sais de quoi je parle. On a fait exactement cette erreur.
On a passé un mois entier à développer un produit “ultra carré”. Le concept : permettre à n’importe qui de vendre du contenu digital instantanément. Tu uploades ton fichier, tu choisis ton prix, tu partages le lien. Le destinataire paie, il accède au contenu. Simple.
On pensait aux créatrices de contenu style OnlyFans, aux étudiants qui veulent partager leurs notes de cours pour quelques francs, aux artistes qui vendent des assets. L’UX était nickel : trois clics et c’était en ligne.
Le problème ? On a découvert que le marché s’en foutait après avoir tout construit. Quand on a commencé à en parler, à chercher des utilisateurs, on s’est rendu compte que les gens qu’on ciblait avaient déjà leurs solutions. Ou que le problème qu’on résolvait n’était pas assez douloureux pour qu’ils changent leurs habitudes.
Un mois de dev. Des nuits blanches. Un produit qui n’est plus en ligne aujourd’hui.
Si on avait testé l’idée avant de coder une seule ligne, on aurait économisé tout ça.
Le business plan est mort (et c’est une bonne nouvelle)
On t’a peut-être appris qu’il fallait un business plan de 50 pages avant de te lancer. Des projections financières sur 5 ans. Une analyse SWOT. Des personas détaillés.
La réalité ? Personne n’a jamais prédit le marché sur 5 ans sans avoir vendu un seul produit.
Ton business plan, c’est de la fiction. De la belle fiction, peut-être. Mais de la fiction quand même.
Le seul test qui compte : est-ce que quelqu’un est prêt à sortir sa carte bancaire pour ce que tu proposes ?
Pas “est-ce que tes potes trouvent l’idée cool”. Pas “est-ce que ta mère pense que c’est génial”. Est-ce qu’un inconnu, qui n’a aucune raison de te faire plaisir, est prêt à payer ?
Si oui, t’as quelque chose.
Si non, t’as économisé des mois de travail.
Ce que tu peux faire AVANT de créer ta boîte (légalement)
Voici un truc que beaucoup ignorent en Suisse : tu n’as pas besoin d’une Sàrl pour commencer à vendre.
Tu peux facturer jusqu’à 100’000 CHF par an en tant que Raison Individuelle sans même être assujetti à la TVA. Pas de capital à déposer. Pas de notaire. Pas de registre du commerce obligatoire en dessous de ce seuil.
Concrètement, ça veut dire que tu peux :
- Créer une landing page qui présente ton offre
- Encaisser des paiements
- Émettre des factures en ton nom propre
- Tester ton marché grandeur nature
Tout ça légalement, sans avoir déboursé 20’000 CHF.
La seule chose importante : des Conditions Générales de Vente claires si tu fais de la pré-vente. Ça protège toi et tes premiers clients.
La méthode du “Smoke Test” — Tester sans construire
Le smoke test, c’est l’art de vendre quelque chose qui n’existe pas encore. Pas pour arnaquer les gens — pour valider que le besoin est réel.
L’idée : tu présentes ton offre comme si elle existait, tu mesures l’intérêt, et tu décides ensuite si ça vaut la peine de construire.
Les 3 étapes
1. La landing page
Une page simple qui explique :
- Quel problème tu résous
- Pour qui
- Comment ça marche
- Un bouton d’action (inscription, pré-commande, demande d’info)
Pas besoin de 15 pages. Une seule suffit. L’important c’est la clarté du message.
2. L’acquisition ciblée
Tu balances un peu de pub pour amener du trafic. L’avantage en Suisse : tu peux cibler hyper précisément.
Meta Ads (Facebook/Instagram) te permet de toucher les gens dans un rayon de 20km autour de Genève, Lausanne ou n’importe quelle ville. Avec 200 CHF, tu peux atteindre plusieurs milliers de personnes dans ta cible.
3. La mesure
Tu regardes ce qui se passe :
- Combien de gens ont cliqué ?
- Combien ont rempli le formulaire ?
- Combien ont cliqué sur “Acheter” ou “Réserver” ?
Si personne ne clique, t’as ta réponse. L’idée ne résout pas un problème assez douloureux, ou ton message n’est pas clair, ou ta cible n’est pas la bonne.
Si ça mord, tu construis en confiance.
Les outils pour monter ton test
C’est là que ça peut devenir technique. Voici ce qu’il te faut :
Pour la landing page
| Outil | Avantage |
|---|---|
| Carrd | Le plus simple, parfait pour une page unique |
| Webflow | Plus puissant, mais courbe d’apprentissage |
| Framer | Si t’as une sensibilité design |
| Umso | Conçu spécifiquement pour la validation d’idées |
Pour mesurer
| Outil | Avantage |
|---|---|
| Plausible | Analytics simple et respectueux de la vie privée (important en Suisse avec la nLPD) |
| Google Analytics | Gratuit mais plus complexe à configurer proprement |
Pour la pub
| Outil | Usage |
|---|---|
| Meta Ads | Ciblage géographique précis, idéal pour tester localement |
| Google Ads | Si ton produit répond à une recherche claire (“logiciel gestion club sportif” par exemple) |
Pour encaisser (si tu testes la pré-vente)
| Outil | Avantage |
|---|---|
| Stripe | Intégration facile avec la plupart des outils |
| TWINT | Si tu veux rester 100% suisse |
Ça fait beaucoup ? C’est normal. Configurer tout ça proprement prend du temps. C’est pour ça que certains préfèrent déléguer cette partie pour se concentrer sur leur offre.
Alternative : Le crowdfunding comme étude de marché
Le crowdfunding, c’est pas juste pour lever des fonds. C’est une validation publique de ton idée.
Si tu lances une campagne et que personne ne pledge, t’as ta réponse. Sans avoir construit quoi que ce soit.
En Suisse romande, t’as plusieurs options :
| Plateforme | Avantage |
|---|---|
| Héros Locaux (Raiffeisen) | Gratuit (pas de commission plateforme), idéal pour les projets à ancrage local |
| Wemakeit | La plus grosse communauté suisse. Commission ~10%, mais vraie visibilité |
| Crowdify | Bien pour les projets culturels et créatifs |
L’avantage du crowdfunding : tu testes l’idée ET tu finances le développement en même temps. Si ça marche pas, tu n’as rien perdu.
Et si le test est positif ?
Là, tu passes au MVP — le Produit Minimum Viable.
Pas le produit parfait. Pas le produit avec toutes les features dont tu rêves. Le produit minimum qui délivre la promesse que t’as vendue.
Tu construis uniquement ce qui a été validé par ton test. Tu itères sur les retours de vrais utilisateurs, pas sur tes hypothèses.
Et c’est seulement à ce stade que tu considères la structure juridique. Parce que maintenant, t’as des données. T’as des clients. T’as une raison de créer cette Sàrl.
Le vrai risque, c’est de ne pas tester
Je repense souvent à ce mois qu’on a passé à construire notre plateforme de vente de contenu. Si on avait fait une landing page en 2 jours et balancé 200 CHF de pub, on aurait su en une semaine que le marché n’était pas là.
Le coût d’un test raté : 200 CHF et quelques heures de ton temps.
Le coût d’un produit non-validé : des semaines ou des mois de travail, de l’énergie, de la motivation, parfois de l’argent.
Mieux vaut un “non” rapide qu’un “non” après 6 mois de dev.
Ce qu’il faut retenir
- Tu n’as pas besoin d’une Sàrl pour commencer à vendre en Suisse (Raison Individuelle jusqu’à 100k CHF/an)
- Le smoke test te permet de valider une idée avant de construire quoi que ce soit
- 200 CHF de pub + une landing page = réponse du marché en quelques jours
- Le crowdfunding est une alternative pour tester ET financer en même temps
- Le vrai risque, c’est de construire sans avoir validé — pas de tester et d’échouer
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